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24 octobre 2018 à 17:15Sacré Paulo ! Non content de sortir un nouvel album en cette rentrée 2018 – Egypt Station – et d’occuper la U Arena en Novembre, son ancien groupe ne cesse de faire l’actualité : mort de leur ingénieur du son « historique », Geoff Emerick, le 2 octobre. Celui qui contribua à traduire en sons les folles idées des 4 garçons dans le vent. Et sortie, en grande pompe, d’une Super Delux Réédition du Double Blanc le 9 novembre. L’occasion était donc trop belle pour ne pas parler de cet album, dont la conception fut détestée par Emerick (qui prit la fuite d’ailleurs), véritable bible musicale qui fête donc cette année ses 50 ans !
En 1968, les Beatles sont au sommet de leur art. Après s’être imposés comme les rois du Rock n’Roll et du Rythm and Blues, ils ont révolutionné le monde de la Pop en sortant un brelan d’albums qui sont entrés dans l’histoire de la musique contemporaine : Rubber Soul, Revolver et Sergent Pepper… cette Pop tintée de psychédélisme.
Et, en cette année de 1968, les Beatles peuvent tout se permettre ! Même sortir ce voyage psyché qu’est Magical Mystery Tour, assorti d’un film pour la télévision… Même faire un dessin animé pour Yellow Submarine. Même enregistrer pour la première fois en Mondiovision et en direct Live All You Need Is Love. Même créer une société, Apple Corps, à but commercial et philanthropique, qui allait créer de nombreuses tensions financières au sein du groupe.
En 1968 les Beatles sont aussi au bout du rouleau : ils ont arrêté les concerts depuis 1966, leur manager et mentor Brian Epstein étant mort l’année précédente… Ils décident alors de faire un break en partant en Inde chez le Maharishi Mahesh Yogi, personnage ô combien controversé et qui fût le gourou de tant de stars du showbiz. De l’avis d’Allen Ginsberg, ce Maharishi dispensait une vulgarisation des méthodes traditionnelles et demandait une contribution financière à ses élèves, alors que les enseignements étaient gratuits. Mais qu’importe, les Beatles se retrouveront avec d’autres personnalités telles que Donovan, Mia Farrow et sa sœur Prudence en ce printemps 1968. Et c’est durant ce séjour « spirituel » que Lennon et McCartney composeront la majorité des chansons du futur album. Ringo et Paul étant les premiers à partir.
C’est donc dans ce contexte de 1968 que les Beatles vont enregistrer leur neuvième album : l’album de la discorde. Le début de la fin et, paradoxalement, leur troisième plus gros succès commercial.
L’album sera celui de toutes les tensions : présence de Yoko Ono. Départ impromptu de Geoff Emerick, leur ingénieur du son historique, écœuré des sessions d’enregistrement d’Ob-la-di Obladaet Revolution, répétées jusqu’à ne plus les supporter. Et surtout, départ de Ringo pour des vacances en Sardaigne ! Ne trouvant plus sa place au sein du groupe et ne se voyant pas à la hauteur, il quittera le groupe momentanément. Quand il reviendra, les 3 autres auront recouvert sa batterie de roses. Les tensions sont donc telles qu’il leur faudra 3 studios, la plupart des morceaux étant enregistrés par un Beatles, les autres venant en guise d’accompagnateurs… Et beaucoup de chutes de ces sessions se retrouveront, ce n’est sans doute pas un hasard, dans leurs premiers albums solos.
Il faut dire que, musicalement, McCartney, Lennon et Harrison vont envoyer beaucoup de morceaux de hautes volées, quelques morceaux plus faiblards (quasiment des démos !) et tout cela dans un patchwork musical qui part dans tous les sens : 30 morceaux pour leur premier et seul double album. Musicalement, exit la complexité d’un Sergent Pepper, retour aux sources et aux basiques du Rock : la guitare acoustique sera l’instrument de prédilection dans la composition (notamment en Inde).
McCartney va se fendre de styles très divers : Rock n’Roll pour Birthday et Back in the Ussr, clin d’œil à Back In The Usa de Chuck Berry. Ballade acoustique avec Blackbird, I will. Ska : Ob-la-di. Comptine Country : Rocky Raccoon. Ragtime : Martha My Dear. Music-Hall : Honey Pie… Tout n’est pas du meilleur niveau, mais Paul va créer le morceau précurseur du Heavy Metal : Helter Skelter. Ce morceau durait à l’origine une vingtaine de minutes et sera coupé. On peut même entendre Ringo hurler à la fin « I’ve got blisters on my fingers ! » après la 18ème prise ! Paul composant ce morceau en réaction au I Can See For Miles des Who, qu’il trouvait vulgaire et conventionnel…
Les morceaux de Lennon sont eux à fleur de peau : Julia, pour sa mère qu’il l’a abandonné, qu’il retrouvera et qui mourra très jeune. Happiness Is A Warm Gun, en hommage à la Mother Superior de la chanson qu’est Yoko. Quant aux paroles de Glass Onion, elles font appel aux anciens morceaux de Lennon. Sans oublier Revolution 1, qui est un vrai Blues bruitiste. Yer Blues, un faux Blues (voir d’ailleurs le casting de la version du Rock’n’Roll Circus des Stones … à tomber !) Et, pour finir, Revolution 9 qui est un collage inspiré des travaux d’Edgar Varèse.
Mais Lennon se fait aussi observateur et compteur : Sexie Sadie est une critique acerbe du Maharishi qui fit des avances à Mia Farrow ; Dear Prudence en référence à Prudence Farrow qui restait toute seule lors des séances en Inde, et Bungalow Bill sous forme de comptine pour enfants.
Quant à Harrison, il va placer 4 de ses morceaux. Savoy Truffle dédiée au chocolat. La contestataire Piggies. La ballade Long, Long, Long. Et peut être sa plus belle composition : While My Guitar Gently Weeps. Ce morceau ayant un invité de marque, la légende voulant que le solo soit si compliqué à exécuter par Harrison qu’il demanda à son ami Eric Clapton de venir faire pleurer sa guitare à sa place !
Notre malheureux Ringo placera également son premier morceau : Don’t Pass Me By. Le meilleur morceau du siècle dixit Lennon( !). La trouvaille de celui-ci étant de désaccorder le piano pour lui donner l’effet de jouer sous l’eau et Ringo y jouant en plus des clochettes de traineau (Sleigh belles). Le seconde surprise sera qu’il va aussi chanter un second morceau, pour la première fois dans l’histoire les Beatles sur un même album. Morceau offert par Lennon. Celui qui clôt l’album : Good Night. Magnifique chanson composée par un Lennon qui prouve quel formidable compositeur il était et montre une facette plus tendre du personnage.
A l’écoute de cette bible, on en ressort partagés : le pire (Ob-la-di quand même ? !) cotoyant le tout meilleur. La légende de l’album sera également renforcée par l’épisode macabre du groupe Hippie Famille de Charles Manson. Ce dernier trouvera sois disant son inspiration dans les morceaux Piggies (et sa lutte contre l’establishment) et surtout Helter Skelter (à propos du désordre et de la confusion), qui l’amèneront à trucider le 9 aout 1969 tous les occupants de la maison de Roman Polanski à Los Angeles. Dont sa femme, Sharon Tate, alors enceinte. On retrouvera même le mot Pigs écrit en lettre du sang de Tate sur la porte.
Après cet album, les Beatles s’attèleront au documentaire Let It Be, qui ne verra jamais vraiment le jour. Et à leur chant du signe, Abbey Road. Mais tout ceci est une autre histoire…
Revolution / Hey Jude
Les Beatles n’ont jamais mis tous leurs œufs dans le même panier. Pour preuve, leurs singles ahurissants Paper Writer !! Penny Lane !! Strawberryfields !! Qui ne sortiront jamais sur album. Ce single ne déroge pas à la règle. Mais la version de Revolution (Revolution 1) de l’album est un Blues lent. Celle du single est pourtant la plus connue. Plus rapide, mais toujours avec cette guitare saturée.
Hey Jude est probablement le morceau le plus connu de McCartney et il le joue toujours en concert, depuis maintenant 50 ans. La vraie révolution de ce morceau étant qu’il fait plus de 7 minutes (avec un long fade out), alors que les standards radio de l’époque étaient plutôt de l’ordre de 3 minutes.
Et le morceau est dédié, ou inspiré, par le fils de Lennon, Julian, très affecté de la séparation de ses parents John et Cynthia.
Lady Madonna / Rain
Faut-il y voir un clin d’œil aux travaux de Yoko Ono pour le Blanc ? Peut-être. Ou bien une nouvelle virginité, un nouveau départ ? Ils auront en tout cas essayé.
La pochette des premiers tirages fut une prouesse technique : blanche immaculée, avec juste The Beatles gravé en relief et surtout la numérotation des vinyles également gravée de même. Les 001, 002, 003, 004 étant les vinyles appartenant aux Beatles eux-mêmes. Moi-même j’ai le n°098245 !
Etaient offerts comme goodies un poster de collages photos du groupe et 4 photos individuelles.
Tous les morceaux sont composés par Lennon/ McCartney, sauf indication contraire.
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Très belle chronique pour ce magistral album. Je me souviens avoir acheté avec un copain le 45 tours de HEY JUDE. Lorsqu'on a passé la face B, soit REVOLUTION, on s'est pris une claque monumentale. On n'avait jamais rien entendu de pareil. Même JUMPIN' JACK FLASH est inférieur à cette guitare branchée sur un ampli saturé au maximum. Par la suite, on n'écoutait même plus HEY JUDE. C'était toujours REVOLUTION (version rapide). Sur le double blanc, mon morceau favori est une petite bluette de 2mn au plus, MOTHER NATURE'S SON. Mais j'aime tout le reste également même OBLADI-OBLADA qui pour moi, et ce malgré les critiques, est une formidable rengaine qui fait des trous dans la tête. J-Luc