concerts en boîte

22 octobre 2018 à 17:20

Eric Clapton – No Reason To Cry – 1976 : God Ou Slowhand ?

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Nous remercions infiniment cette participation à Concerts en Boîte, en espérant lire encore plein d'autres textes !

La Pochette

Nota : Des Scans HD de chaque face de la pochette sont proposés plus loin 😉

Mis en rayon par Jean-Luc

« Tu sais, il faut vraiment que tu commences à chanter ; tu devrais être à la tête de ton propre groupe. Tu as reçu un don de Dieu, et si tu ne t’en sers pas, il te le reprendra ! »

C’est ce que dit Delaney Bramlett à Eric Clapton un beau jour de 1970, alors que ce dernier, au sortir de Blindfaith, accompagne quelques temps le groupe Delaney & Bonnie. Avant cela, Clapton a déjà joué au sein des légendaires Yardbirds, puis avec John Mayall et Cream. Il écoute donc le conseil de Delaney, forme Derek & The Dominos, puis enregistre le fameux double album Layla (avec Duane Allman).

La tournée qui suit la parution de cet album est malheureusement un échec retentissant. Sans doute d’une part parce qu’il n’est pas fait mention du nom d’Eric Clapton dans l’appellation du groupe. Mais d’autre part, à cause de l’absence de Duane Allman, tué accidentellement au guidon de sa moto en octobre 71, alors qu’il devait participer aux concerts donnés à travers les USA.

Eric Clapton retombe ensuite dans ses vieux démons, l’alcool et la drogue. Et sa passion obsessionnelle pour Patti Boyd, alors épouse de son meilleur ami Georges Harrison, n’arrange pas les choses. Il se mure alors dans un silence de 3 ans et devient un véritable junkie.

C’est Pete Townshend, leader des Who, qui le sort de sa torpeur en le persuadant de reprendre sa guitare lors d’un concert de charité donné au Rainbow en 73. Bien que Clapton soit alors en triste état, il accepte le défi et reprend ensuite peu à peu goût à la vie et à la musique, grâce surtout à Carl Radle, son vieux complice des Dominos. Celui-ci l’invite aux USA et lui présente quelques musiciens fameux qui impressionnent fortement le guitariste. C’est avec ce groupe qu’il va connaître la période la plus prolifique de sa carrière avec 4 albums déterminants, tous parus entre 1974 et 1978.

Depuis la fin de son groupe Derek & The DominosClapton a laissé tomber sa guitare Les Paul pour ne jouer, sur le conseil de Stevie Winwood, que sur une Fender Stratocaster. Il se l’est d’ailleurs confectionnée lui-même, à partir de 3 Stratos achetées d’occasion.

Il a également gagné des sommes colossales avec la tournée ayant suivi la sortie de l’album 461 Ocean Boulevard, et vit aux Bahamas avec Patti Boyd. Celle-ci a en effet succombé à la cour assidue du guitariste et a définitivement quitté Georges Harrison. Elle a d’ailleurs rejoint Eric au beau milieu de sa tournée US. Il est alors dans une période de totale insouciance et son jeu de guitare a retrouvé toute sa flamboyance. Il s’est même remis à composer.

Cette période coïncide aussi avec un changement d’orientation prise par sa musique. En effet , il délaisse le Blues au profit d’une musique aux accents californiens, style alors très en vogue et dominé par des groupes comme Eagles et Fleetwood Mac. Il reprend également avec succès quelques titres de Bob Marley et de JJ Cale. En jouant ainsi une musique plus facile d’accès et correspondant mieux aux goûts de la jeunesse américaine, il se fait plaisir et approche un nouveau public qui l’apprécie dorénavant, plus par des chansons comme Motherless Children ou Let It Grow, que par des vieux titres comme Crossroads. Son groupe composé, entre autres, de son vieux complice DominosCarl Radle et de Jamie Oldaker à la batterie, ainsi que de la chanteuse Yvonne Elliman, contribue grandement au succès de l’entreprise.

En août 1975, il est invité par Bob Dylan à participer aux sessions de son futur album encore en gestation : Desire. Et, après une attente interminable, Clapton peut enfin jouer quelques accords, accompagné en cela par une vingtaine de musiciens. Mais comme toujours, Bob décide au dernier moment de ne conserver sur le mixage final qu’une basse, une batterie et un violon … les passages joués par Clapton passent donc à la trappe.

Mais qu’à cela ne tienne. La coïncidence veut que les 2 compères se retrouvent quelques mois plus tard à Malibu, aux studiosShangri-laEric est là pour enregistrer son album No Reason To Cry et Dylan campe sous une tente à côté des studios. Ils s’invitent alors de temps à autre, pour boire un coup avec les musiciens. Et, pour se faire pardonner d’avoir occulté ses parties de guitare de l’album DesireDylan promet à Eric de lui composer une chanson et même de venir la chanter au studio ! L’ambiance entre les musiciens est toutefois plus à la fête qu’au travail et à la composition. Il est vrai qu’un endroit aussi paradisiaque que Malibu n’incite pas à l’ouvrage. Surtout que les sessions débutent en l’absence d’un vrai producteur.

En plus du Band, de prestigieux invités participent aux sessions, dont Georgie Fame et Ron Wood, alors tout nouveau membre des Stones. Mais voyant que les choses n’avancent guère, Clapton décide de faire appel au producteur du Band : Rob Fraboni.

Dès son arrivée, Fraboni remet de l’ordre dans la troupe et replonge tout le monde dans la confection de l’album. Beautiful Things est la première chanson à être achevée. Ensuite tout se précipite : Clapton compose 5 titres, le Band participe à 4 autres et Dylan amène enfin sa chanson.

Au final, No reason To Cry est un album très varié, plein de fraîcheur, regorgeant de belles mélodies et surtout dominé par le jeu de guitare lumineux de Clapton. Les morceaux y sont dans l’ensemble très réussis. Toutefois, No reason To Cry ne serait pas devenu un GRAND DISQUE sans un GRAND TITRE, la locomotive avec le petit quelque chose en plus, le mur porteur qui soutient en permanence tout le reste, celui auquel on se réfère sans cesse et qui nous incite à la réécoute. Cette pépite, c’est Sign Language, la chanson de Dylan, qui traverse à l’époque une période de créativité exceptionnelle.

Sign Language ne dure que 3 minutes, mais c’est une splendeur absolue. Sans doute une des meilleures jamais écrites par Dylan, qui chante ici avec son phrasé légendaire. C’est pourtant Robbie Robertson, le guitariste du Band, qui fait rentrer la chanson à jamais dans la postérité, avec un solo exceptionnel, tout en vibrato, qui vous met les poils au garde à vous.

On trouve sur l’album pas mal des ballades, comme Beautiful Things qui ouvre l’album, ou le magnifique Black Summer Rain qui le clôture et qui me rappelle le Fool To Cry des Stones (bien que Clapton prétende qu’il s’est inspiré de Stairway To Heaven).

L’autre morceau d’anthologie du disque est Carnival. Un Rock aux accents Fleetwood Mac qui aurait pu figurer sur Rumours et sur lequel Eric nous gratifie d’une accélération fulgurante sur son solo, en milieu de morceau. On croirait entendre Lindsey Buckingham sur Second Hand News.

Hello Old Friend est lui un morceau mid-tempo très agréable, style Eagles. Et Hungry est à signaler pour son solo épileptique joué à la slide, dont Clapton demeure un des maîtres de la spécialité.

Il se permet même le luxe d’imiter Jimmy Page sur une reprise d’Otis Rush. Un Double Trouble sur lequel son jeu est impérial et qui nous rappelle bougrement le Since I’ve Been Loving You de Led Zeppelin.

Il faut également mentionner que les chœurs chantés par Yvonne Elliman et Marcy Levy sont omniprésents sur tout l’album. Innocent Times, chantée par Marcy Levy, est la seule véritable fausse note de l’album. Sa façon de chanter Gospel devenant vite insupportable à la fin de la chanson.

L’ambiance pendant l’enregistrement est, paraît-il, très arrosée. Et comme le rapporte Clapton lui-même : il règne dans le studio une atmosphère de « bordel ambiant ». Il existe d’ailleurs un bootleg intitulé Happy Birthday, enregistré le 31 mars 1976, qui témoigne de ces sessions pour le moins chaotiques.

Le son du VINYLE est excellent, que ce soit en pressage US ou UK. Les couleurs de la pochette US sont par contre un peu plus pastelles que les pressages européens et la pochette intérieure, la fameuse « inner sleeve », est différente (les 2 pochettes étant représentées ici).

Je considère ce disque comme étant essentiel et il ne faut passer à côté sous aucun prétexte. D’autant qu’il fait partie des albums méconnus du grand guitariste, sans doute à cause de critiques pas toujours favorables au moment de sa parution. Mais malgré cela, il s’est hissé dans le top 10 des charts anglais !

Qui parle encore de cet album aujourd’hui… excepté moi ?

J’ai écouté ce disque un nombre incalculable de fois et aujourd’hui, plus de 40 ans après sa parution, je le trouve toujours aussi bon, sans aucune faille, et je ressens toujours ce même petit frémissement en le posant sur ma platine.

L’année suivante, en 1977, Clapton sortira Slowhand, autre grand succès commercial avec sa reprise de Cocaïne. Puis en 1978Backless, avec à nouveau 2 titres inédits de Dylan, spécialement composés par le maître pour la circonstance.

Durant la tournée de 79 qui suit la sortie de BacklessClapton invite tous les soirs sur scène Patti Boyd, qu’il vient d’épouser, et lui chante Golden Ring, une de ses plus belles compositions.

« If I gave to you a golden ring, would I make you happy, would I make you sing ? »

Hélas, Eric traverse ensuite les années 80 dans une déchéance totale. Se séparant de tout son groupe en 81, avec qui il jouait depuis des années, accro à l’alcool tout comme l’était Jim Morrison, multipliant les cures de désintoxication ainsi que les comeback ratés, il n’enregistre plus rien de valable. Ce n’est qu’au milieu des années 90 et grâce à quelques disques de blues purs (dont l’album From The Craddle) qu’il revient sur le devant de la scène musicale. Ainsi qu’à un disque plutôt réussi enregistré en duo avec JJ Cale en 2008.

Que puis-je ajouter à propos d’Eric Clapton? J’ai tellement aimé ce musicien, autant pour sa musique d’ailleurs, que pour la vie incroyable qu’il a eue, parsemée sans cesse de démons et de drames. Personnage passionnant et attachant, à la jeunesse brisée. A la fois fragile et fort. Ayant réussi à se débarrasser de ses penchants pour l’alcool et la drogue, il a dû également surmonter la mort cruelle de son fils de 4 ans, Connor, tué accidentellement en 1990. Peut-on survivre à un tel drame ?

Eternel amoureux, mais hélas malheureux en amour, alors qu’il fréquentait en 90 un mannequin italien, une certaine Carla B., il commet l’erreur fatale de la présenter à un certain Mick Jagger. Bien sûr, ce dernier la lui ravit aussitôt et en fait une de ses maîtresses attitrées pendant plus de 10 ans.

Aujourd’hui, il semble enfin avoir trouvé la paix et la sérénité avec sa jeune épouse Melia et leurs 3 filles. Il a fondé une clinique, Crossroads, afin d’aider les alcooliques à guérir. Il est richissime et vit dans sa propriété de toujours, dans le Surrey, à Hurtwood. Il dit y éprouver un sentiment spécial, toujours le même au moment de rentrer après une longue tournée, en parcourant le dernier kilomètre jusqu’à ce qu’enfin apparaisse sa maison et ainsi pouvoir bénéficier d’un repos bien mérité, entouré de sa petite famille, mais aussi et surtout, de ses guitares.

Les Maestri

  • Eric Clapton : Guitares
  • Carl Dean Radle : Batterie
  • Jamie Oldaker : Basse
  • Yvonne Elliman & Marcy Levy : Vocaux et chœurs

Les Principaux invités

  • Bob Dylan : Vocaux sur « Sign Language »
  • Ron Wood : Guitare
  • Robbie Robbertson : Guitare solo sur « Sign Language »
  • Rick Danko : Vocaux sur « All Our Past Times »
  • Richard Manuel
  • Georgie Fame : Claviers

Les pépites sur cette galette

  • Face 1 :
    1. Beautiful Things
    2. Carnival
    3. Sign Language
    4. County Jail Blues
    5. All Our Past Times
  • Face 2 :
    1. Hello Old Friend
    2. Double Trouble
    3. Innocent Times
    4. Hungry
    5. Black Summer Rain

    Scans HD du Vinyle

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      • Face 1 de la pochette du vinyle version US

      • Face 2 de la pochette du vinyle version US

      • Face 4 de la pochette du vinyle version US

      • Face 4 de la pochette du vinyle version US

      • Face 1 de la pochette vinyle version UK

      • Face 2 de la pochette vinyle version UK

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