« The Magnets Minitel Rose »
09 janvier 2011

Nicolas Cante @ Cri du Port (Marseille)

Une expérience expérimentale autour du piano.

Conditions de mise en boîte

Librement au milieu du public assis. Grand merci au Cri du Port pour son l’accueil et les facilités de prises d’images !

Chronique

Etiqueté par Arnaud :

Ai-je assité à un concert ou à une suite de bruits ? Perso j’ai du mal à savoir. Pas forcément désagréable et forcément plein de talent, mais on ne peut pas dire que j’ai vibré : C’était trop expérimental, sans non plus être du Trent Reznor…. Mais j’avoue qu’il fallait les sortir ces sons bizarres d’un instrument aussi commun qu’un piano, même aidé par de l’électronique.

Etiqueté par Ysabel :

Un accueil fort chaleureux au Cri du Port ce soir …. Premier concert de l’année (pour nous et pour eux) : alors nous sommes invités avec convivialité à partager Galettes & Gâteaux des Rois. Et ça tombe bien, puisque c’est l’heure du goûter. C’est un concert en matinée comme on dit. Départ des festivités à 17h.
C’est pas ce qui s’appelle une bonne rentrée ?Plutôt pas mal de monde pour cette petite salle marseillaise, avec familles et enfants (horaire oblige) …. Très bon commencement d’une année qui sera, j’en suis sûre, pleine de bonnes vibrations, d’émotions fortes et de bonheur pour nos petites noreilles 😉 !!

Le piano (un Steinway s’il vous plait : juste la Rolls-Royce des pianos !) est installé ouvert devant un rideau de velours noir. Armel, à son habitude, vient nous présenter l’artiste de ce soir : Nicolas Cante (inconnu pour moi, mis à part un rapide coup d’oeil jeté sur YouTube). Il vient présenter une session annonciatrice de son nouvel album, empli « d’intention« , selon notre hôtesse. Elle en profite pour nous glisser quelques mots sur cette année musicale qui commence. Bref : nous sommes fin prêts.

Notre pianiste arrive ensuite. Grand, mince, paraissant presque gêné par son grand corps et certainement plus à l’aise dans sa musique que dans le public relation.
Je remarque l’ordinateur portable ouvert posé à côté du piano et un second petit clavier situé au dessus du premier grand et traditionnel. Cela promet une utilisation différente de l’instrument. J’ouvre grand mes yeux et mes oreilles ….

Il commence par lancer de petites balles dans le corps du piano, à même les cordes. J’avais déjà vu faire cela chez Pierre Boulez. Je suis attentive à la suite.
Il récupère les balles, les relance dans son instrument. Cela donne un écho désarticulé aux notes qu’il joue. Il se lève, laisse l’ordinateur relié au piano continuer seul et part vers la queue de celui-ci pour jouer avec les projectiles.

Il revient à sa place et enlève ses chaussures, sans doute pour mieux appréhender les pédales et lancer en parallèle le replay de son portable.
Musicalement parlant, c’est une association de classique, de jazz et de musique contemporaine. Ce pourrait être de la musique de film.
Le mélange de la musique électro et du piano est assez surprenante. Il joue avec la machine pour donner de l’écho supplémentaire, des effets d’accélération ou de ralenti. Il va même jouer directement sur les corde, les utilisant comme on le ferait d’un xylophone, avec de petits marteaux. Il y a plein d’accessoires à malice qui jonchent le sol au pied de sa banquette (même une spatule pour enlever le papier peint !!) … Ce « Pianiste DJ » est tout à fait détonnant. C’est une première pour moi et je suis très sincèrement étonnée et complètement emballée par ce que je vois et surtout par ce que j’entends !!

L’artiste se présente à la fin du premier morceau. Il commence par remercier le technicien de la salle et nous explique que c’est en fait un Live expérimental, qu’il va retravailler pour son album à venir. Il n’y a pas de titres, puisque c’est de l’impro faite sur l’émotion de l’instant.

Pour le second morceau, il travaille à nouveau directement ses cordes avec une baguette de batterie jazz. Son piano devient une harpe rugissante. Il est couché en avant sur le clavier, les bras dans le corps de son instrument, à faire son travail d’alchimiste du son. Le tout est bidouillé avec de l’écho : on croirait entendre un navire qui va se rompre et qui pousse des cris déchirants dans une tempête. Il y ajoute des notes plaquées sur les cordes avec de petites massues en bois.
Encore une fois, un mélange détonnant. Un paysage d’apocalypse apparait devant mes yeux. C’est vraiment très étrange de parvenir ainsi à donner cette atmosphère de fin du monde.

Sa manière de jouer, pliant et même tordant son dos, captive l’attention de l’auditoire.
La musique est d’une richesse incroyable. Je ne sais pas quelle est la place du « canevas » dans cette improvisation, mais il parait inconcevable que tout cela ne soit pas terriblement travaillé. Quoiqu’il en soit, le résultat et totalement bluffant.
A plusieurs reprises, il se lève et s’éloigne du piano comme le ferait un peintre pour se rendre compte de l’effet produit par son oeuvre. Il ajoute quelques touches au tableau. Juge du rendu et revient sur l’instrument pour parvenir à la finalité recherchée. C’est fantastique. Personnellement, je suis totalement emportée par cette musique improbable.
Il est clair que pour lui, durant les 15 ou 20 minutes que dure ce morceau, nous ne sommes pas là. Il est seul dans sa musique, qui se déchaîne littéralement, pour revenir au calme peu à peu. Mais ce n’est qu’un répit de courte durée : on repart aussi sec dans une véritable frénésie de notes, avec toute la virtuosité de cet incroyable artiste.

A la fin de ce second set, il s’étonne que l’on en veuille encore. Bon, et bien on s’en refait un petit dernier 😉 !! Il taquine un petit garçon un peu dissipé devant, lui précisant que le bruit, c’est Son domaine.
Il est debout à présent, attaquant le piano à la manière d’un capoeiriste. Les notes qui en sortent sont saccadées. Des sortes d’onomatopées musicales. C’est son corps tout entier qui entre dans cette musique. Ce morceau parait plus mécanique, comme rythmé par une machine infernale. Par le biais de l’ordinateur, il parvient à faire sortir des sons fantastiques de ce piano. Cela dégage une intensité, une force et une énergie démentielles. Encore une fois, les sons électroniques se mêlent aux notes de piano. Le mélange est parfait. Il frappe des pieds, emporté par sa propre musique. Et le tout explose dans un crescendo intense … Pour se terminer par une pirouette pleine d’humour et trois petites notes rigolotes.

Il termine en nous confirmant, comme on l’aura bien compris, qu’on ne peut pas facilement l’arrêter. Et on ne s’en plaint pas. Il y a donc un album à venir au printemps. Et moi, cet après-midi, j’ai découvert un artiste absolument fabuleux ….